Conseil de lecture en anthropologie du risque…
« Avant la lecture de cet ouvrage, l’anthropologie était pour moi vouée à étudier des civilisations disparues ou des peuplades d’Amazonie très reculées, nous ouvrant ainsi les portes de mondes exotiques. Or, le livre de Françoise Zonabend prend pour objet d’étude anthropologique le site de retraitement de La Hague, tout d’abord son environnement, avant de nous inviter à y pénétrer. La seconde révélation a concerné le procédé de cette étude, à savoir le décryptage de nos dires, qu’ils soient explicites ou qu’ils témoignent de perspectives cachées. Il est en effet étonnant de constater tout ce que nos expressions révèlent, qu’il s’agisse de ce que nous disons mais aussi, voire surtout, de la façon dont nous l’exprimons.
Le risque étant un concept abstrait pour lequel chacun a son positionnement, mener une étude anthropologique du risque est donc tout à fait pertinent et innovant. Le livre ne fournit pas d’analyse statistique sur nos attitudes face au risque, mais cherche à ‟saisir l’émotion, l’irraisonné, l’imaginaire, toutes sortes d’aspect du réel et de l’existentiel qui échappent, trop souvent, à l’observation dite objective″.
L’ouvrage aborde, à travers l’étude du vocabulaire et des expressions, de très nombreux sujets essentiels à la sécurité, incluant les comportements individuels, les organisations industrielles et administratives, la sous-traitance, la formation à la sécurité, l’automatisation, la communication et la concertation, et bien d’autres.
En étudiant les propos, l’auteure nous tend un miroir et nous renvoie notre image du risque et de la sécurité. Je sais que ce livre a été décrié. Il lui est reproché d’être un miroir déformant alors qu’il est pour moi informant. Cette étude sur le risque est en effet un révélateur des difficultés de nos relations aux autres (formateurs, industriels, maires, préfets, sous-traitants, syndicalistes, universitaires, ou simples citoyens) mais aussi des difficultés de nos relations à nous-même (comme riverain-employé, ou comme citoyen-consommateur d’énergie par exemples). Le parti pris de l’auteure n’est pas de juger et encore moins de condamner les activités nucléaires, mais d’apporter sa contribution au questionnement indispensable de la sécurité. En effet, la sécurité ne peut être maintenue que par une remise en question fréquente des organisations, en commençant par nos pratiques individuelles. »
Gilles Motet, directeur scientifique de la Foncsi
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