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The digital age

Implications of automation, digitization and platforms for work and employment
Auteur(s)
Mandl, I.
Numéro
2023 Mai
DOI
doi:10.2806/288

Formats disponibles

    Résumé

    Eurofound (2021), The digital age: Implications of automation, digitisation and platforms for work and employment, Challenges and prospects in the EU series, Publications Office of the European Union, Luxembourg. doi:10.2806/288

     

    Notre avis

    📖📖📖 Un intéressant rapport de synthèse d’Eurofound, la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie au travail, qui nous rappelle en les synthétisant les initiatives prises par l’Union européenne sur l’accompagnement de la montée en puissance de l’ère digitale et son mixe d’impacts bénéfiques et/ou délétères sur le travail
     

    Notre synthèse

    La transition vers une société numérique a débuté depuis plusieurs décennies, mais l'évolution et le rythme de la transition se sont brusquement accélérés depuis 2019 en raison de :

    1. la capacité croissante des appareils électroniques à stocker, traiter et communiquer l'information
    2. et de la récente pandémie de la Covid-19.

    La numérisation est un vaste domaine et son impact diffère selon la technologie, le pays, le secteur, le type d’entreprise et les travailleurs plongés dans l’environnement numérique.

    Pour saisir cette complexité, Eurofound a développé un cadre conceptuel qui structure sa recherche selon trois dimensions de changement :
    L’automatisation des tâches, avec le remplacement de l’homme par la machine (robots, drones…) dans la production et la distribution. Le risque majeur de cette mutation porte sur l’emploi, avec d’un côté des pertes - voire disparitions - de certains métiers (avec un accompagnement nécessaire du fracas social associé), compensées par l’arrivée (presque aussi massive) de nouvelles demandes et de nouveaux métiers, mais avec un réservoir si tendu de compétences qu’il pourrait fortement freiner la transition et désavantager certains secteurs industriels moins attractifs sur ce nouveau marché compétitif de l’emploi.
    La numérisation des processus, avec l’utilisation de capteurs transformant les données physiques en données numériques (et réciproquement), avec tout ce que cela permet en traitement, stockage et communication. Le risque majeur de cette numérisation intensive des processus est la transformation et fragmentation des emplois actuels, avec une perte de sens pour la partie laissée aux humains, avec le risque d’une dévalorisation de l’emploi et des contrats plus précaires, sans parler des questions plus locales d’éthique et de risques d’atteinte à la vie privée par l’extension du numérique dans le suivi du travail hors des locaux de l’entreprise.
    La coordination via des plateformes (collaboratives) de données ouvre une ère totalement nouvelle de partages avec la réactualisation en ligne quasiment simultanée pour tous les usagers autorisés sur cette plateforme (principes de la block chain). Le risque est aussi la fragmentation et la dépendance de l’outil, avec l’arrivée de nouvelles organisations de travail qui verraient la plateforme numérique devenir le centre de commande et la raison du travail, et plus seulement celui d’un outil d’aide.
    Sans compter l’intelligence artificielle (IA) qui est appelée à jouer un rôle important sur les trois domaines.
    Ce rapport donne un aperçu de la manière dont ces dimensions influencent l’emploi, le travail et le dialogue social ; il pointe les défis à relever, et dessine le périmètre des solutions politiques actuelles.

    Les petites entreprises sont souvent les plus avancées

    En 2019, l’enquête européenne sur les entreprises (ECS) 2019 indiquait que :

    • 28 % des entreprises européennes de moins de 10 employés étaient fortement numérisées (trading numérique, achat, vente, promotions, services). Elles se trouvaient plutôt dans les petits pays, Malte, Lettonie, Lituanie, Danemark...
    • Presque autant (27 %) sont dotées d’une informatique sophistiquée de bureau, mais sans usage avancé du numérique.
    • 19 % utilisent surtout des robots avec des applications pour l’aide aux situations de travail pénibles. On y trouve plutôt encore des petits pays, la Lituanie, Chypre, le Danemark, la Suède…

    L’intensité de la numérisation tend à augmenter avec la taille de l’établissement. Les données montrent que la numérisation des entreprises dans l’Union européenne coïncide avec leur capacité d’innovation, d’internationalisation et de création d’emplois.

    Une incidence sur l’emploi moins négative qu’on ne l’a dit

    On a longtemps dit que la numérisation allait provoquer des pertes massives d’emplois, mais le discours est désormais plus nuancé, mettant l’accent sur la balance entre la perte bien réelle d’emplois sur plusieurs professions et, en contrepoint, la création d’autres emplois sur d’autres secteurs et pour de nouvelles professions. Les entreprises très digitalisées créent d’ailleurs plus d’emplois qu’elles n’en ferment.

    Un bénéfice pour la qualité de vie au travail (QVT) et des nouvelles organisations du travail

    Les technologies numériques sont de plus en plus envahissantes dans l’organisation du travail.
    En 2019 (avant la crise de la Covid-19), seulement 5 % des établissements de l’Union européenne utilisaient l’analyse de données pour le suivi des employés, mais ce chiffre a explosé depuis, particulièrement avec le développement du télétravail.
    La technologie numérique permet de travailler de n’importe où et à tout moment, rendant possible une organisation du travail beaucoup plus flexible, ce qui peut être bénéfique pour les entreprises comme pour les travailleurs.

    Le dialogue social est menacé

    Le dialogue social et la négociation collective à l’ère numérique sont confrontés à des défis croissants pour représenter et mobiliser les travailleurs et anticiper les implications plus larges du déploiement de technologies avancées sur le lieu de travail.

     

    Mais le diable est souvent dans les détails…

     

    C’est aussi un risque pour cette même qualité de vie au travail (QVT)

    Les initiatives de l’Union européenne se multiplient pour que la généralisation rapide de la numérisation soit pensée pour qu’un « humain reste dans la boucle », pour que l’attribution, la gestion et la surveillance des tâches ne soient pas entièrement laissées aux algorithmes.
    On a notamment, depuis moins de 2 ans, la sortie de textes relatifs à :

    • Des lignes directrices en matière d’éthique pour une IA digne de confiance,
    • Un règlement général sur la protection des données (RGPD),
    • Une stratégie en matière de compétences numériques,
    • Une loi sur les marchés numériques,
    • Une loi sur les services numériques et l’accord-cadre autonome sur la numérisation par les partenaires sociaux au niveau de l’Union européenne.

    Les défis à relever restent nombreux

    L’accès limité aux ressources financières et le manque de compétences requises sont les deux plus gros goulots d’étranglement entravant la numérisation dans les entreprises, en particulier les petites entreprises.
    La numérisation tend à accroître l’importance des personnels hautement qualifiés, et du coup génère une polarisation et des pénuries potentiellement sévères sur le marché de l’emploi.
    La qualité de l’emploi suscite aussi des inquiétudes croissantes tant la numérisation perturbe la continuité des relations de travail, impactant fortement les acquis sur l’importance du travail collectif et le partage des valeurs de l’entreprise. Le télétravail complique les dynamiques participatives. Le travail sur une culture de sécurité et d’entreprise intégrée et partagée s’en trouve fragilisé.
    La capacité accrue de traçage et surveillance des employés permet certes le bénéfice du télétravail, mais reste un risque à terme, notamment en intégrant plus de données personnelles y compris en dehors des locaux de l’employeur. Cette tendance est clairement à risque si les intérêts des travailleurs ne sont pas préservés. On sait déjà que la digitalisation intensive peut accroître leur exposition aux risques physiques et psychosociaux résultant d’horaires de travail longs avec une connectivité constante et un chevauchement du temps privé et du temps de travail, et au final une augmentation de l'intensité du travail et du stress.


    Qu’attendre des politiques pour réduire les risques ?

    Les politiques doivent soutenir encore plus la souveraineté et compétitivité européenne associée à la numérisation des entreprises. On pense à du soutien financier, au partage d’expérience sur le déploiement numérique et le développement, ainsi que la mise en œuvre de technologies. Les petites entreprises sont encore plus prioritaires que les grandes sur cet agenda, tant elles partent avec un retard marqué.
    Des outils d’anticipation des besoins en compétences dans la transition numérique, tels que le panorama des compétences développé par le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop) ou des instruments similaires dans les États membres.
    Des voies permettant de doter les groupes vulnérables de compétences pertinentes sur le numérique (travailleurs âgés, population à faible niveau d’éducation formelle) doivent être explorées, conformément au plan d’action du socle européen des droits sociaux et à l’agenda européen des compétences.
    Dans le même temps, les managers doivent être formés aux particularités de l’organisation du travail et de la gestion des personnes propres à l’ère numérique. Ils doivent également apprendre à utiliser les données générées par les technologies numériques pour le bénéfice mutuel de l’entreprise et du personnel.
    Les travailleurs victimes du numérique et des réorganisations associées, et de fait licenciés, peuvent être accompagnés dans leur reconversion par le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation pour les travailleurs licenciés (FEM).
    Des outils d’alerte précoce pourraient être utilisés pour alerter les décideurs politiques de tout glissement vers une baisse de la qualité de l’emploi, y compris une éventuelle mauvaise classification du statut d’emploi. Les décideurs politiques devraient explorer les causes de ces développements et leur impact sur les entreprises et les travailleurs comme base pour l’élaboration de politiques éclairées.
    La flexibilité du temps de travail et l’amélioration de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée rendues possibles par la numérisation pourraient être utilisées de manière stratégique pour soutenir l’intégration sur le marché du travail de groupes spécifiques, tels que ceux qui ont des responsabilités familiales ou des problèmes de santé.
    Dans le même temps, il convient de s’attaquer au risque que les horaires de travail soient trop courts, trop longs, imprévisibles ou antisociaux et à l’attente d’une disponibilité permanente des travailleurs, par exemple par la mise en œuvre de la directive sur des conditions de travail transparentes et prévisibles.
    S’appuyant sur la RGPD et le cadre juridique de l’Union européenne sur l’intelligence artificielle, la politique doit garantir la transparence sur les données générées à quelles fins et sur le fait qu’elles sont utilisées de manière humaine et éthique.
    Les réglementations existantes en matière de santé et de sécurité devraient être revues pour leur couverture des dommages psychosociaux, et les organes de surveillance (tels que les inspections du travail) pourraient être encouragés à accorder une attention supplémentaire aux risques et impacts psychosociaux.