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Facilitators and barriers to implementing occupational safety interventions in the fishing industry

A scoping review
Auteur(s)
Siame, S., Bygvraa, D. A. & Jensen, O. C.
Numéro
2021 Novembre

Formats disponibles

    Résumé

    Siame, S., Bygvraa, D. A. & Jensen, O. C. (2022). Facilitators and barriers to implementing occupational safety interventions in the fishing industry: A scoping review. Safety Science, 145, 105512. doi: https://doi.org/10.1016/j.ssci.2021.105512

    Notre avis

    📖📖📖📖 Un bon article qui confirme l’état catastrophique de sécurité de la pêche professionnelle : archétype de situation ignorée des médias, où la faible culture de sécurité des professionnels, l’absence de conscience de groupe, la situation extrême de concurrence et la recherche prioritaire de performance commerciale en silo (« chacun pour soi ») continuent à dominer les arbitrages de sécurité, aussi bien au niveau des patrons-pêcheurs, des marins eux-mêmes, que des armateurs.

     

    Notre synthèse

    Des taux de mortalité élevés parmi les pêcheurs caractérisent l’industrie de la pêche depuis des décennies. Plusieurs interventions de sécurité ont été mises en œuvre, souvent calquées sur ce qui se fait dans les autres industries, avec une baisse considérable du nombre de décès dans certains pays.
    Mais il reste que les statistiques montrent encore des taux mondiaux d’accidents très élevés, bien au-delà des industries comme le bâtiment ou la mine qui sont eux-mêmes souvent considérés comme à risques. Et on sait toujours peu de choses sur les facteurs qui soutiennent ou entravent la mise en œuvre des interventions de réduction des risques dans ce secteur industriel.

    Les auteurs proposent une revue approfondie de la littérature pour explorer, synthétiser et analyser ces facteurs. La recherche a identifié 618 articles dont 12 répondaient aux critères d’inclusion (qualité méthodologique de l’article, focus).

     

    Les facteurs de succès

    Cette revue de littérature pointe quatre principaux facteurs de succès qui ont favorisé dans certains pays (nordiques essentiellement) la réduction du risque :

    1. Le niveau de formation et d’acquisition des connaissances chez les marins (particulièrement les patrons de bateau) sur le risque et sur la réglementation de sécurité, et leur gestion. Ce niveau de formation se trouve notamment directement corrélé à l’achat de matériel de protection et à son utilisation.
    2. L’engagement de la direction à un soutien direct de la sécurité, avec des arbitrages favorables et visibles par tous par rapport à une recherche systématique de performance commerciale.
    3. Les pratiques collaboratives entre marins et dans la flotte de l’arsenal avec en particulier la formation de communauté professionnelle active pour promouvoir des solutions de sécurité émergeant de la base (des marins)
    4. Les politiques de soutien, de conception et d’application de la réglementation, là encore en faisant concorder de façon réaliste les contraintes commerciales avec celles de la sécurité. Certains pays ont commencé à imposer des formations de sécurité intégrées aux cursus de base (CAP marin, écoles de pêches). Ces mêmes pays (pour la plupart nordiques) sont aussi souvent ceux qui ont renforcé leur réglementation nationale sur la sécurité de la pèche.

     

    Les obstacles à l’amélioration de la sécurité

    Mais l’article note, et de façon encore plus importante, le grand nombre d’obstacles à l’amélioration de la sécurité qui freinent encore complétement les progrès et maintiennent cette profession parmi les plus risquées au monde :

    1. Il existe dans ce milieu une faible perception du risque, voire un manque de considération des mesures de prévention proposées, et cela presque partout dans le monde. Dans beaucoup de pays, les patrons et marins professionnels eux-mêmes s’abstiennent de venir aux formations sur le risque et la sécurité, car ils considèrent qu’ils en savent plus par leur pratique que par ce qu’on leur enseigne. Ce sont les mêmes professionnels qui jugent les risques de leur métier — contre toute évidence — comme maîtrisés ou « comme partout ailleurs ».
    2. Le manque de temps consacré à ces sujets va souvent avec la pression du bord pour pêcher. On ne retrouve aucun temps réservé à l’entrainement à la sécurité pendant le temps passé à la mer dans la plupart des navires de pêche du monde.
    3. On note souvent un niveau de compétences sur la sécurité, et parfois même sur les conditions de travail, assez inadéquat. La littérature mondiale rapporte que beaucoup de marins ne savent même pas où sont situés les équipements de secours de leur navire, ni comment on s’en sert vraiment.
    4. Des normes culturelles et sociales de commandants de bateaux « seuls décideurs après Dieu » dans un milieu souvent hostile et imprévisible par les conditions de travail rencontrées (mer forte, pannes diverses, etc.) et fortement compétitif. Avec également des équipages souvent étrangers et défavorisés par rapport à la nationalité de l’armateur du bateau (exemple cité des USA) et ne comprenant pas (par la langue et par la culture) tout ce qui est écrit et préconisé par les autorités.
    5. Un manque de soutien dans une population, que la littérature pointe souvent comme exclusivement masculine, avec une faible compassion et attitude de soutien vis-à-vis de ses propres victimes.
    6. Des coûts de conformité élevés, particulièrement pour les équipements de sécurité, qui font souvent les frais d’une maintenance ad hoc dans la logique d’une pression commerciale trop forte et d’une éducation trop faible.
    7. Un manque d’harmonisation des réglementations, entre local et régional, et parfois entre zones locales différentes pour des catégories de vaisseaux, ce qui rend la compréhension globale aléatoire.
    8. Des directives d’applications inadéquates, par le delta entre ce qu’elles demandent et la réalité du terrain (pénurie de personnel, stress financier) qui les rendent inapplicables.
    9. Un manque de financement et de soutien étatique. Les mesures écologiques ont par exemple conduit les pays nordiques à réduire la flotte, à diminuer le nombre de places en école et, de facto, à augmenter le stress commercial de la profession et réduire encore toute priorité sur la sécurité.

    Sur un sujet connexe, l’analyse souligne aussi une littérature fort limitée sur les interventions touchant au respect de la dimension de sécurité écologique dans la pêche professionnelle.


    Les auteurs concluent que, dans le contexte actuel et avec les faibles résultats obtenus sur toutes les dimensions d’amélioration de la sécurité (au travail, technique, écologique, sociale, etc.), l’atteinte des 17 objectifs mondiaux de l’ONU pour le développement durable de la pêche s’avère encore hautement impossible.