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A systematic review on workplace health and safety of ageing construction workers

Auteur(s)
Ranasinghe, U., Tang, L. M., Harris, C., Li, W., Montayre, J., de Almeida Neto, A. & Antoniu, M.
Numéro
2023 Septembre
DOI
10.1016/j.ssci.2023.106276

Formats disponibles

    Résumé

    Ranasinghe, U., Tang, L. M., Harris, C., Li, W., Montayre, J., de Almeida Neto, A. & Antoniu, M. (2023). A systematic review on workplace health and safety of ageing construction workers. Safety Science, 167, 106276. doi : 10.1016/j.ssci.2023.106276

     

     

    Notre avis

    📖📖📖 Un article sous forme de revue de littérature sur les risques de santé au travail dans le secteur du BTP, associés au vieillissement des travailleurs. L’article a été écrit par une équipe connue sur ce thème du département STEM (Science, Technology, Engineering and Mathematics) de l’Université d’Australie du Sud (Adelaïde).
    L’approche est riche, très bien documentée, même si elle n’est pas surprenante dans son contenu. L’article peut nourrir les nouveaux défis de notre programme scientifique « Foncsi 4 », et notamment l’analyse approfondie sur le thème « Compétences, vieillissement et attractivité des entreprises ».

     

    Notre synthèse

    Le vieillissement de la population, associé au recul de l’âge de la retraite, crée une nouvelle classe de travailleurs dits « âgés ». Il n’y a pas (encore) de consensus sur un âge précis pour être considéré comme « âgé », mais la littérature tend à considérer 50 ans comme une bascule correspondant à un tout début de déclin physique, cognitif et d’adaptabilité.

    La question des travailleurs âgés est encore plus importante dans des secteurs comme le BTP.
    La sollicitation de la force et l’engagement physique sur le terrain restent la norme, et posent question quand, par exemple, 43 % des travailleurs du bâtiment ont plus de 50 ans à Hong Kong.
    La question se pose d’autant plus avec un contexte de pénurie chronique de main d’œuvre, liée à une moindre attractivité du secteur du BTP chez les jeunes.
    Sans oublier que les sites de construction sont souvent bruyants, sales, mal ventilés. Les travailleurs doivent répéter des positions et des mouvements difficiles, avec des charges lourdes, en zones contraintes. Ces points sont d’autant plus critiques pour des travailleurs âgés disposant de moins de ressources physiques et physiologiques, et qui sont parfois plus vulnérables sur le plan psychologique.

    Bref, les entreprises ont tout intérêt à mieux protéger ces travailleurs dits « âgés », pour leur bien évidemment, et aussi pour garantir leur performance et le bon fonctionnement opérationnel.

    Les auteurs australiens de cet article proposent une revue de littérature sur les risques de ces travailleurs et l’efficacité des solutions à mettre en place. Ce n’est pas une surprise dans la mesure où l’Australie fait partie des leaders mondiaux de la recherche dans ce domaine.
    La revue inclut tous les articles de 1980 à 2021. Au total, 349 articles ont été présélectionnés au départ, pour 111 finalement retenus en fin de filtrage selon la qualité des publications et leur pertinence.

     

    Comparaison des données de sécurité entre jeunes et travailleurs plus âgés

    Les accidents sont plus fréquents chez les travailleurs âgés, mais cela mérite aussi des nuances. Les accidents des jeunes surviennent plutôt le matin ; ceux des travailleurs âgés plutôt l’après-midi. Les situations de pression temporelle sont plus défavorables pour les jeunes car ils sont moins en situation de supervision, plus souvent mis au contact du danger et sous pression, acceptant de plus grandes amplitudes horaires avec un manque avéré de formation, et des expositions plus agressives comme le travail sur les toits.

    La nature des blessures est aussi différente entre les deux catégories : plutôt des lacérations ou des coupures chez les jeunes ; et plutôt des TMS et des blocages articulaires chez les anciens – particulièrement au niveau du dos et des genoux –, avec une surreprésentation des travailleurs âgés exposés à des vibrations répétées et des situations corporelles contraintes sur les chantiers, comme le travail agenouillé.

    Le coût, l’indemnisation et les arrêts maladie pour blessure augmentent sans surprise avec l’âge, de même évidemment que les arrêts et l’indemnisation pour la prise en charge des affections chroniques et maladies associées à l’âge (sensorielles, métaboliques et autres maladies graves).

    La littérature est moins nourrie sur les problèmes psychologiques associés à l’âge. On note une moindre résistance au stress, couplée au sentiment de dégradation physique et une sensibilité plus exacerbée aux pressions de tous ordres, le total affectant plus facilement et directement leur satisfaction au travail et leur motivation à poursuivre dans ces conditions.

     

    Quelles stratégies d’amélioration ?

    La stratégie la plus employée est l’aménagement du poste de travail avec des restrictions, des évitements d’activités ou de situations pénibles particulières. Tout cela est accompagné de formations dédiées pour cette classe de travailleurs afin de réduire la pénibilité des gestes.

    Dans l’ordre de fréquence, la seconde stratégie la plus employée consiste à faire passer les seniors en position managériale, ou si ce n’est managériale, à des postes plus distants du travail pénible sur le terrain, par exemple dans des fonctions de compagnonnage, de conseil ou de tutorat aux jeunes dans les équipes.

    Au-delà de ces stratégies réactives centrées sur le poste de travail, on voit aussi des stratégies plus ambitieuses, longitudinales dans le temps. Elles sont basées sur un monitoring continu des facteurs de santé et de l’ensemble des facteurs organisationnels d’exposition aux risques qui affectent la santé du travailleur pendant toute sa carrière et qui vont aggraver encore plus les problèmes de vieillissement.
    On pense aussi à l’hygiène de vie : tabac, alcool, habitudes alimentaires, etc.
    Ces stratégies mobilisent en premier chef la médecine du travail. Là encore, la littérature montre que cette mobilisation ‒ même quand elle est réalisée ‒ ne prend que très marginalement en compte les facteurs psychologiques et la santé mentale du travailleur. Il faut un contexte souvent fort, et une demande explicite déjà évidente, pour que soient proposés des suivis dédiés à la santé mentale. L’Australie semble très en avance sur ce sujet puisque sa contribution représente 12 des 17 papiers de la revue qui évoquent ce point sur la santé mentale, avec 4 leviers d’action possibles :

    1. Le changement de poste ;
    2. L’intégration à un programme individuel de coaching ;
    3. Le suivi par assistance numérique du travailleur, avec un accès libre à des micro-formations et des conseils sur la gestion de l’équilibre entre vie privée et travail, proposant le recueil et le suivi autodéclaré de symptômes et du vécu, avec des seuils d’alertes et, autant qu’utile, l’accès à des spécialistes et des communautés de parole sur le web ;
    4. Et une approche maladie classique avec arrêt de travail et prise en charge médicalisée.

     

    Les arrangements alternatifs

    On trouve de plus en plus de solutions dans la littérature qui jouent sur d’autres facteurs, par exemple le raccourcissement de la semaine de travail ou les modifications d’horaires de travail et de roulement. Ces solutions permettent d’améliorer l’équilibre entre vie privée, vie au travail, temps de repos et de récupération. Elles sont souvent appréciées et maintiennent une qualité de vie au travail.

    Ces solutions posent aussi la question de la négociation salariale qui les accompagne, avec une compensation ou non des heures perdues. Plusieurs études essaient aujourd’hui de prouver le bénéfice à prendre en charge ces heures, que ce soit par l’employeur, par un système d’assurance, par l’État ou par un réglage de répartition entre ces différents financeurs, de façon à maintenir les travailleurs âgés motivés et actifs, dans un moment de pénurie de ressources.

     

    Les aides individualisées

    Quelques programmes d’aide individualisée semblent devenir des standards promus au niveau international dans le secteur de la construction. C’est notamment le cas du programme australien « MATES » (Mates in Construction program and General Awareness Training). Ce programme est proposé par une association. Il est d’accès gratuit en Australie au bénéfice des travailleurs qui peuvent le consulter pour tout ce qui concerne leur santé mentale. Il se donne pour objectif la réduction des suicides, des stigmatisations de tous ordres, et offre de multiples possibilités de hot line et aide sur demande. Les résultats sont encourageants.

     

    Les barrières à redouter

    Elles sont encore nombreuses, par exemple la durée proposée des interventions d’aide ne doit pas être trop longue, au risque de perdre l’engagement du travailleur ; elle ne doit pas non plus être trop ponctuelle, au risque de n’avoir aucun effet.

    Un autre type de barrière est indiscutablement lié aux inégalités associées à la variété des travailleurs, de leur niveau scolaire et de leur statut social. La communication et l’accompagnement doivent être ciblés et différents pour être utiles et compris de tous.

    Les formations posent aussi problème car elles sont souvent à prioriser sur celles liées à la technique qui sont déjà difficiles à programmer par le fait du manque d’effectifs. Les formations associées au bien-être au travail ont souvent un degré de priorité moindre et une facilité à être reportées ou annulées plus grande.

     

    Conclusion

    Les travailleurs âgés seront plus nombreux dans les années à venir et le BTP va en avoir un besoin grandissant du fait de la pénurie d’effectifs et des difficultés d’attractivité du secteur pour les jeunes.

    Il faut donc trouver impérativement des solutions de maintien au travail qui satisfassent au mieux toutes les parties, en protégeant la santé des travailleurs.