What works in safety
- van Kampen, J., Lammers, M., Steijn, W., Guldenmund, F. & Groeneweg, J.
- Numéro
- 2023 Mars
- DOI
- https://doi.org/10.1016/j.ssci.2023.106072
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Résumé
van Kampen, J., Lammers, M., Steijn, W., Guldenmund, F. & Groeneweg, J. (2023). What works in safety. The use and perceived effectiveness of 48 safety interventions. Safety Science, 162. https://doi.org/10.1016/j.ssci.2023.106072
Notre avis
📖📖📖📖 Un inventaire critique des bonnes pratiques de prévention en sécurité du travail, vu par une équipe hollandaise mixte, de la faculté de technologie de l’Université de Delft, de la faculté de sciences sociales de Leiden et de l’Institut national de la santé au travail. Intéressant à lire et parfois surprenant, des résultats qui irriguent les débats en cours sur l’accidentologie en France.
Notre synthèse
Environ 2300 travailleurs sont victimes d’accidents du travail chaque année aux Pays-Bas. Le sujet entraîne la mise en place, comme dans tous les pays, de multiples politiques de prévention par l’État et les entreprises pour réduire ce risque et améliorer la sécurité au travail.
Les interventions peuvent concerner :
- l’organisation globale : agir sur la culture de sécurité
- et/ou locale : agir sur les moyens de protection et leur observance (par exemple, mettre en place un système de management de la sécurité).
La profondeur temporelle de l’effort à déployer est un autre point critique.
Mais il faut bien admettre que les résultats (le nombre et la sévérité des accidents du travail) sont rarement liés à une seule intervention. Ils sont le fait d’une histoire locale, de plusieurs interventions cumulées dans le temps et de facteurs contextuels particuliers ; ce qui fait dire aux revues de littérature déjà publiées sur le sujet que l’évaluation de la valeur intrinsèque des interventions visant à réduire les accidents du travail reste en général douteuse et scientifiquement peu valide. Les panels observés sont souvent trop petits (manque de puissance statistique des résultats) et le temps d’observation pour lire les résultats de l’intervention est presque toujours trop court. Pire, beaucoup de ces interventions sont ambiguës dans leur objectif réel, avec des objectifs d’amélioration de la productivité qui sont autant ‒ sinon plus ‒ importants pour l’entreprise que l’amélioration de la sécurité (comme poursuivre une action sur les accidents du travail visant surtout la réduction de la durée d’arrêt et de l’absentéisme).
Cette étude vise :
- à identifier les différentes familles d’intervention pour réduire les accidents du travail,
- faire un résumé de ce qu’il faut retenir de chacune et comment l’optimiser,
- et dresser un bilan aussi objectif que possible des résultats connus de chacune de ces familles d’intervention.
La méthode retenue repose sur un long questionnaire sur les pratiques d’amélioration de la sécurité du travail, rempli par 297 spécialistes de sécurité industrielle hollandais ‒ originaires pour la majorité du secteur du BTP, de l’énergie et des industries de transformation, et pour quelques-uns de la santé et du transport. Ces 297 réponses représentent un retour de 12 % sur le total des questionnaires envoyés. À noter qu’un nombre significatif de spécialistes ayant rempli le questionnaire (22 %) travaillait dans des industries/entreprises déjà très performantes, avec des taux d’accidents avec arrêt de travail (TRIR) très bas, inférieurs à 1 (LTIR en anglais, Lost Time Incident Rate).
Un total de 32 interventions de nature différente sont répertoriées par l’analyse des questionnaires. Leur fréquence d’utilisation par les préventeurs varie :
- d’un quasi-consensus d’usage (tous les préventeurs les utilisent) : cartographie des risques, retour d’expérience sur les incidents/accidents et quasi-accidents, port de protections individuelles, exercices d’entraînement pour gérer de possibles risques/victimes, prévention de risques spécifiques associés à des objets ou situations dangereuses (hauteur, mobilité, caractère coupant…), capotages et protection des machines à risques, etc.
- à des pratiques moins généralisées : par exemple, 50 % prônent des protections électroniques de tous types, et seulement 30 % prônent des primes ou pénalités dans l’évaluation des cadres en fonction des résultats obtenus.
Les interventions de plus grandes efficacités
Quand on questionne plus particulièrement quelles interventions sont considérées de plus grande efficacité, le top 5 est le suivant :
- Formation des travailleurs à la sécurité au travail, dans une logique d’équipe solidaire et de coopération-communication
- Leadership centré sur les rôles de chacun dans la sécurité
- Retour d’expérience (incidents et quasi-incidents) avec analyse en profondeur des causes
- Courtes réunions (staffs) de discussion sur la sécurité avec les opérateurs
- Audits et inspections de sécurité
Les interventions jugées peu efficaces
Inversement, le top 5 des interventions jugées peu efficaces est le suivant :
- De longues séances ou leçons de sécurité administrées après avoir projeté des films sur la sécurité
- Les réutilisations de matériels et leçons anciennes déjà entendues plusieurs fois
- Les investissements sur les interfaces homme-machine optimisés pour réduire les erreurs humaines
- Les listes et documents de « YAKA » distribués aux opérateurs sur toutes les précautions et risques à éviter
- Les campagnes ou posters sur le port des vêtements de protection et sur la réduction du stress
Et, avec à peine plus de conviction sur leur efficacité, les symboles et logos de sécurité sur les outils dangereux, ou les campagnes répétées sur les bonnes pratiques.
Les auteurs notent aussi que beaucoup de ces interventions/pratiques sur la sécurité ne font qu’obéir à une contrainte légale, en ce sens qu’elles sont imposées par les tutelles et l’inspection du travail. Ces pratiques « réglementaires » sont dans l’ensemble jugées efficaces parce qu’elles sont obligatoires, et constituent un objet facile de comparaison inter-sites ou par rapport aux concurrents, et aussi de démonstration des efforts mis en place par l’entreprise vis-à-vis des tutelles et des audits.
On comprend que cette logique « imposée », de même que la très grande majorité des choix « non imposés », ne fait que très peu appel à une justification scientifique prouvée. Pour le dire autrement, la démarche scientifique – qui supposerait une part de recherche et d’analyse sur la pertinence justifiant le choix de la pratique recommandée – joue globalement un rôle tout à fait marginal dans le choix de ces pratiques de sécurité.
Les impositions réglementaires, les « idées empruntées » au voisin, la facilité de la mise en route et la faisabilité pratique, ainsi que les convictions personnelles sont, dans la plupart des cas, les vrais moteurs de décision du choix de ces interventions.