Le REX: un mode d’ouverture de l’entreprise à l’espace public
Équipe
- Patrick Chaskiel (CTPS-LERASS, Université de Toulouse)
- Éric Chauvier (ATOTEM, Université de Bordeaux)
- Irène Gaillard (CERTOP-CNRS, Université de Toulouse)
- Alain Garrigou (ADS-LAPS-CNRS, Université de Bordeaux)
Contexte et enjeux
La montée de la thématique des «risques technologiques/industriels» est un phénomène majeur, depuis au moins trente ans, dans les sociétés occidentales. Face à cette montée, qui inclut des aspects s’étendant des politiques de traitement des risques jusqu’à la contestation des risques eux-mêmes, les entreprises concernées se voient de plus en plus observées publiquement, aussi bien par l’État et ses administrations que, depuis moins longtemps, par les groupements associatifs issus de la « société civile ».
Dans cette perspective, l’ouverture du fonctionnement industriel de l’entreprise à l’espace public est devenue une dimension irréversible de son activité. Marquant cette tendance, la loi du 30 juillet 2003 sur la prévention des risques, notamment technologiques, constitue une étape dans l’institutionnalisation de ce mouvement. En effet, l’article 2 stipule: « Le préfet crée un comité local d’information et de concertation sur les risques pour tout bassin industriel comprenant une ou plusieurs installations […] Ce comité est tenu informé de tout incident ou accident touchant à la sécurité des installations visées ci-dessus. »
A priori, cette ouverture à l’espace public devrait concerner les modes de fabrication et, donc, le coeur même de l’entreprise. Elle a pour conséquences prédictibles de faire du retour d’expérience un élément stratégique des rapports des entreprises avec la société civile dans la mesure où toute information relative aux incidents et accidents devra, même si ce n’est pas imposé par la réglementation, s’accompagner d’une information sur le mode de traitement de ces derniers. En effet, dans le contexte des CLIC, marqué par une forte attente de transparence et d’explications de la part des riverains et des élus, toute diffusion factuelle d’information sur les incidents ou accidents implique la diffusion d’un REX les concernant. Ce REX peut être le REX interne ou être conçu spécifiquement pour une diffusion aux CLIC. Dans tous les cas, le REX peut être envisagé comme un objet de recherche révélateur des changements de pratique au sein des entreprises à risques. Les différents acteurs concernés (entreprises, administrations, mairies, associations, syndicats etc.) sont donc dans une phase de transition et d’apprentissages réciproques dans les pratiques de REX et de communication. En effet, la mise en place de nouvelles obligations réglementaires ne va jamais de soi. Leur application est d’autant moins aisée que leur champ est large et qu’elle touche une population d’acteurs hétérogènes.
Question de recherche
Ce projet comporte deux objectifs. Le premier est de caractériser la façon dont les entreprises se préparent à la mise en oeuvre de cette disposition spécifique de la loi du 30 juillet 2003, ce qui constitue une orientation originale de recherche. La création progressive des CLIC représentant une phase de transition, le projet prendra en considération les « premiers changements en train de s’effectuer ». À partir de la caractérisation des pratiques en cours, le deuxième objectif portera sur l’identification des besoins des différents acteurs afin qu’ils puissent anticiper les nouvelles pratiques générées par l’obligation de déclaration des incidents et accidents aux CLIC.
Ce projet sera prolongé par une observation de plus longue durée, correspondant à une phase de maturation de l’ouverture de l’entreprise à l’espace public.
Le caractère interdisciplinaire de la démarche: anthropologie, communication, ergonomie, permettra de croiser des regards sur la multiplicité des acteurs et des pratiques du REX. Dans cette perspective, les observations seront menées sur plusieurs niveaux : ceux de l’atelier, des structures intermédiaires de l’entreprise et des sites industriels.
Un terrain d’observation commun sera privilégié: le bassin à risques de la Presqu’Île d’Ambés (territoire comprenant 59 sites ICPE dont 15 Seveso AS). Dans le cadre de ce travail exploratoire, d’autres terrains seront sollicités, qui constitueront des lieux d’observation préparant une suite de cette première phase.
PUBLICATIONS ET Communications
Le Cahier de la sécurité industrielle intitulé « L’ouverture au public : vers un changement des pratiques du REX ? », numéro 2011-03
Ce Cahier décrit la façon dont la pression d’ouverture au public du fonctionnement des établissements industriels à risque s’articule avec les activités de REX chez les industriels.
Le Cahier de la sécurité industrielle intitulé « Les relations professionnelles de la sécurité industrielle : le REX comme outil de médiation ? », numéro 2009-10
Ce Cahier décrit l’articulation entre procédures de REX et les relations professionnelles (entre patrons, responsables, syndicalistes et autorités de tutelle administrative). L’auteur s’appuie sur des observations conduites sur deux sites industriels en France : une installation chimique et une centrale nucléaire de production d’électricité, deux industries à la fois sources importantes de REX et lieux d’une implantation syndicale historiquement bien enracinée.