Vous êtes ici : Accueil / Recherche / Axes de recherche / Retour d’expérience / Mieux connaître les processus socio-cognitifs et culturels à l’œuvre dans l’explication des dysfonctionnements passés pour améliorer le REX

Mieux connaître les processus socio-cognitifs et culturels à l’œuvre dans l’explication des dysfonctionnements passés pour améliorer le REX

Équipe

  • Safiétou Mbaye (doctorante Université de Grenoble)
  • Rémi Kouabenan (Laboratoire de Psychologie Sociale Grenoble-Chambéry, Université de Grenoble)
  • Philippe Sarnin (Université de Lyon)

Contexte et enjeux

Si l’objectif de tirer les leçons des événements passés (incidents, presqu’accidents, accidents, dysfonctionnements, etc.) paraît louable, le REX rencontre des difficultés dans sa mise en œuvre: tant au niveau du recueil des données sur les événements, que de leur exploitation trop souvent centrée sur l’individu (et peu ou pas sur l’organisation), privilégiant la recherche de responsabilités (au détriment de la recherche des causes), définissant des mesures de prévention au coup par coup et localisées (et non générales), minimisant les incidents, pourtant riches en information, etc.

Notre approche s’appuie sur les représentations et les croyances des différents acteurs, et adopte une perspective systémique. En effet, nous sommes persuadés qu’on peut tirer beaucoup de l’expérience et des croyances de tous les acteurs concernés par une situation de travail, même si ceux-ci ne sont pas à proprement parler des experts de la sécurité et même si parfois leurs explications peuvent paraître subjectives. La connaissance de cette subjectivité et des réactions défensives qui la sous-tendent est un point central de notre démarche. Nous montrons d’ailleurs que cette subjectivité est aussi présente chez les experts qui disposent pourtant de méthodes de diagnostic qu’on peut qualifier de rigoureuses. Nous avons montré également que même des méthodes d’analyse des accidents telles que la méthode de l’arbre des causes qui propose de s’appuyer sur des faits et rien que des faits, peuvent être utilisées de manière tout à fait biaisée. Il est à noter que les explications fournies varient suivant les caractéristiques de celui qui fait l’explication (« l’attributeur ») (croyances, valeurs, position hiérarchique, blessures, culture, etc.), des caractéristiques de la victime ou des victimes, du lien entre victimes et attributeurs (coéquipier, ami, climat relationnel antérieur, etc.), de la gravité de l’événement (gravité des blessures, répercussions socio-économiques, etc.), des circonstances environnantes (état physique des lieux, personnes présentes, climat social, situation économique de l’organisation, etc.) (Kouabenan, 1985, Kouabenan, 1998 ; Kouabenan, Gilibert, Médina, 2001).

Nous montrons également que pour mieux tirer profit du retour d’expérience, il convient de privilégier l’objectif de prévention à l’objectif de responsabilisation, d’orienter le retour d’expérience vers la recherche de la cause et non du coupable. La responsabilisation, ou la peur de la responsabilisation, accentuent les réactions défensives et diminuent la motivation à s’impliquer dans une telle démarche. Les biais défensifs sont à l’origine de conflits implicites ou explicites qui influent aussi bien sur la qualité des données recueillies, que sur leur exploitation ou la définition des mesures de sécurité. Il convient donc de déculpabiliser l’analyse de l’accident, de l’erreur, ou des incidents et de la replacer dans un contexte socio-technique plus large et plus rassurant. Ce qui est valable dans un groupe ne l’est pas forcément dans un autre; ce qui est observé dans une organisation peut être différent de ce qu’on observe dans une autre. D’où l’intérêt d’aborder chaque organisation comme une entité ayant sa culture propre et des gens qui ont des perceptions et des croyances qui subissent l’influence conjointe de leur culture propre et de la culture organisationnelle.

Question de recherche

Le projet a comporté plusieurs étapes:

  • Définition des acteurs concernés et mise en place d’un comité de pilotage (le comité de pilotage peut comprendre des opérateurs, des dirigeants, des experts, des sous-traitants ou des représentants des entreprises intervenantes, etc.)

  • Analyse du système de recueil existant des événements indésirables passés (accidents, incidents, erreurs, presque-accidents, pannes graves, etc.)

  • Analyse des pratiques de retour d’expérience existantes (type de REX pratiqué, domaines couverts, acteurs et modalités de gestion du REX, philosophie et fondements du REX, et mode d’évaluation du REX)

  • Relever dans les CR d’accidents ou d’incidents disponibles, les attributions causales faites spontanément par les rapporteurs et les mettre en rapport avec leur niveau d’implication dans la situation ou dans l’organisation, la destination du compte-rendu, la nature et la gravité des blessures, etc.

  • Investigation des attributions causales des accidents ou dysfonctionnements passés (accidents ou incidents réels) par entretiens et par questionnaires.

  • Expérimentation à partir d’accidents et/ou d’incidents « construits » à partir de cas réels et comprenant des variables manipulées.

  • Confrontation des analyses causales venant de sources diverses (à partir par exemple de la méthode de l’arbre des causes) et révélation des biais; puis construction d’un arbre unique en faisant la synthèse (travail de groupe). But : permettre d’appréhender la diversité des facteurs impliqués dans un accident et la diversité des inférences causales. Faire de même pour les mesures de prévention préconisées.

  • Confronter des analyses causales de personnes non expertes aux analyses réalisées par des experts pour le même événement. Faire de même pour les mesures de prévention préconisées.

  • Produire une analyse comparative par groupes professionnels ou pour des entreprises différentes.

PUBLICATIONS ET Communications