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La sécurité dans les transports aériens européens: idées reçues et nouvelles approches

Équipe

  • Kyla Zimmerman (née Steele), doctorante Cnam/Foncsi
  • Jean Paries, Dédale
  • René Amalberti, IMASSA

Contexte et enjeux

Dans son acception la plus répandue, le retour d’expérience est présenté comme un processus « bottom up » : il part des faits — les incidents et les accidents — et cherche à en déduire un repérage des risques et une définition des actions correctrices adaptées. Quand on est dans un domaine (comme la sécurité routière) où l’on a à faire à une fréquence élevée d’accident (des dizaines de milliers d’accidents par an), on pourrait en théorie se contenter d’une démarche purement statistique (épidémiologique) : on n’a pas besoin d’une compréhension fine des effets de l’alcool (ou de la météo, du type de route, etc.) pour constater ses effets, le rapprochement des fréquences d’accident constatées avec les taux d’alcoolémie suffira à indiquer un lien. Encore faut-il relever le paramètre « taux d’alcoolémie », ce qui suppose au moins une intuition des facteurs de risque potentiels. Mais si ce n’est pas un paramètre de la situation pertinent pour la sécurité, les statistiques le diront (pour autant qu’on s’en donne les moyens).

Quand on est dans un domaine comme l’aviation, où les accidents son rares (quelques dizaines par an), la base d’événements accidentels ne peut plus être rapprochée, avec une quelconque valeur statistique, des valeurs prises par les différents paramètres de la situation jugés potentiellement pertinents. On peut alors reporter les efforts sur les événements à plus faible gravité et plus haute fréquence, c’est-à-dire les incidents. Mais on a besoin pour comprendre leur lien à l’accident, leur caractère précurseur, d’un modèle de causalité commun entre incidents et accident. On peut aussi procéder à une analyse individuelle de chaque accident, ce qu’on fait là aussi en recherchant les « causes » qui « expliquent » l’accident. Dans les deux cas, comme dans tout processus d’explication, et comme en sciences, on a besoin d’un modèle du phénomène qu’on analyse, et le résultat dépend entièrement du modèle que l’on mobilise.

Les analyse REX ont parfois tendance à perdre de vue le caractère hypothétique du modèle de sécurité, qui est le cadre de lecture qui fait sens à partir de l’événement. On oublie en conséquence que le résultat des analyses est autant un miroir des modèles mentaux des analystes en matière de sécurité que le reflet d’une causalité objective. On dit : « 80 % des événements sont dus à une erreur de l’opérateur » au lieu de dire « dans 80 % des analyses d’événements, nous avons jugé que l’erreur de l’opérateur était un élément de causalité ». On perd en conséquence la capacité de se rendre compte qu’on a eu, éventuellement, tort de voir les choses comme ça.

Ce caractère largement implicite, invisible, et dépendant de la subjectivité individuelle des analystes, du cadre d’interprétation des événements constitue aujourd’hui une faiblesse majeure du REX. C’est pourquoi il paraît justifié d’en rechercher des modalités de renforcement. Et si on réussit à faire cela, ce qu’on obtient est beaucoup plus que la correction d’une faiblesse dans l’approche actuelle du retour d’expérience. Plus les accidents deviennent exceptionnels, plus on travaille à partir d’événements situés « loin » de l’accident, et plus on a besoin d’un modèle analytique du fonctionnement en sécurité du système. La disponibilité d’un modèle explicite des principes de sécurité supposés protéger un système ouvre la voie à de nouvelles modalités de gestion du risque, beaucoup plus analytiques et anticipatrices, d’autant plus nécessaires que le niveau de sécurité s’élève.

Question de recherche

Le projet visera à enrichir la compréhension de la notion de « modèle de sécurité ». En comparant la façon dont a été construit le modèle de sécurité dans des travaux précédents de l'équipe sur les trois domaines abordés (conception de l’avion, entretien de l’avion, contrôle de la circulation aérienne), on dégagera les invariants et on posera des hypothèses générales concernant la taxonomie, la hiérarchie et l’assemblage logique des principes de sécurité. Des entretiens avec des auteurs et concepteurs de réglementation de sécurité, des certificateurs, des spécialistes des études de sécurité permettront de déduire des règles d’architecture et une méthodologie de construction des modèles de sécurité.

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