Vous êtes ici : Accueil / Conseils de lecture / Psychosocial factors and safety in high-risk industries

Psychosocial factors and safety in high-risk industries

A systematic literature review
Auteur(s)
Derdowski, L. A. & Mathisen, G. E.
Numéro
2022 Octobre
DOI
https://doi.org/10.1016/j.ssci.2022.105948
Centre d'intérêt
Les Facteurs Humains Et Organisationnels De La Securite

Formats disponibles

    Résumé

    Derdowski, L. A. & Mathisen, G. E. Psychosocial factors and safety in high-risk industries: A systematic literature review. Safety Science 157 (2023) 105948. doi: https://doi.org/10.1016/j.ssci.2022.105948

     

    Notre avis

    📖📖📖 Une revue de littérature sur la prise en compte des facteurs psycho-sociaux et leur importance pour la sécurité dans les industries à risques, un nouvel opus de nos collègues Norvégiens de l’Université de Stavanger.
     

    Notre synthèse

    La fiabilité des organisations et des individus est un sujet constant et ancien des approches de la sécurité industrielle. L’approche traditionnelle s’est longtemps ancrée autour de la notion d’erreur humaine, essentiellement — mais pas seulement — des opérateurs de terrain (e.i modèle du fromage suisse de Reason qui pointe aussi la chaine hiérarchique et exécutive et ses erreurs latentes).

    Ce n’est que récemment que la causalité des accidents, grâce aux apports des courants des HRO et de la résilience, notamment de Sidney Dekker, a fortement évolué de la notion « étroite et dichotomique » de cause associée à l’interaction homme-machine (l’homme ou la machine) à une vision beaucoup plus systémique.

    Gemma Read, Steven Shorrock et leurs collègues ont même poussé récemment l’idée qu’on ne devait plus parler « d’erreur humaine » (qui enferme dans cette relation étroite et duale entre homme et machine) mais lui préférer le terme « d’action erronée » qui n’établit plus ce lien causal automatique limité à l’interface, mais cherche à comprendre comment les interactions entre composantes à tous niveaux (et dans l’histoire du système) ont entrainé le fait que le système lui-même défaille. Dans cette logique, Kathryn Mearns, Sean Whitaker et Rhona Flin, dès 2003, affirment que la sécurité d’un système ne dépend pas seulement des moyens et objectifs de sécurité traditionnels, mais aussi et surtout des structures psycho-sociales sous-tendant le travail.

     

    Un point de vocabulaire

    Le terme « facteurs psycho-sociaux » (psychological factors) n’a pas de connotation négative per se. Il se réfère entre autres à des descripteurs comme la demande de travail, la disponibilité de l’organisation support, le système de remerciement en place pour actions positives et les relations interpersonnelles de travail.

    Le terme « dangers psycho-sociaux » (psychosocial hazard) est relatif aux caractéristiques des organisations de travail, design et du management, qui ont une potentialité de générer des problèmes de santé pour les travailleurs ou d’handicaper leur productivité.

    Le terme « risque psycho-social » (psycho-social risk) décrit une relation précise entre un danger psycho-social et sa conséquence pour l’opérateur. Un risque psycho-social identifié doit être autant que possible réduit.

    L’article se réfère beaucoup au modèle des exigences au travail de Bakker et Demerouti (Job-demand Resources Model, JD-R model). Ce modèle décrit la perception (par les travailleurs) de ces exigences et de leur atténuation/facilitation par des mesures organisationnelles appropriées. Les demandes du travail réfèrent aux contraintes physiques, psychiques, organisationnelles imposées par le travail. Les ressources du travail sont tous les moyens mis à disposition pour réduire les contraintes et stimuler une qualité de vie au travail, un apprentissage et un développement personnel.

    Si demandes et ressources ne sont pas proportionnées, les publications montrent une dégradation rapide de la santé au travail, avec une baisse de motivation, qui cascadent en effets directs sur la production : baisse de la qualité et de la performance, exacerbation des problèmes physiques, absentéisme, réactions d’oppositions, de démotivation, de baisse d’engagement et au-delà une traduction sur la sécurité par une augmentation des erreurs et des violations de tous types.

    La littérature sur la sécurité fait d’ailleurs écho à ces distinctions :

    1. avec d’un côté, la description des actions erronées et des violations qui s’apparente à la face négative des facteurs psycho-sociaux,
    2. et d’un autre côté, la volonté de se conformer aux règles et l’engagement actif des travailleurs dans les questions de sécurité qui illustrent plutôt la face positive des facteurs psycho-sociaux.

    Ces distinctions introduites dès les années 2000 (Neal et collègues) font aussi écho à la récente formule d’Erik Hollnagel (2013) distinguant « Safety 1 » (les choses qui vont mal) et « Safety 2 » (les choses qui vont bien).

    Bien sûr, les frontières ne sont pas totales, et les conséquences des facteurs psychosociaux peuvent ne pas toucher l’homme, ni même les installations (au sens de « Safety 2 ») mais être néanmoins classables en accidents (i.e. pertes financières ou d’exploitation, pertes de perspectives). C’est cette vision élargie du risque qui guide la suite de l’article.

     

    La revue de littérature

    Les auteurs partent du modèle JD-R (demandes-ressources), en l’éclairant des apports de « Safety 1-Safety 2 » (facteurs positifs et négatifs) pour filtrer la littérature qu’ils veulent analyser dans le cadre de cette revue sur le lien entre sécurité et facteurs psycho-sociaux.

    Au total, 52 articles publiés en anglais dans des journaux scientifiques et 4 études sous forme de rapports ont répondu au critère recherché.

    La majorité des articles ou études a été publiée après 2012 (77,5 %), le plus vieux datant de 1993. 32,5 % l’ont été dans la revue Safety Science.

    Sur les origines géographiques, 7 des 14 articles portant sur le BTP proviennent de Chine et les 5 autres d’Hong-Kong ; 7 des 11 articles portant sur l’Oil & Gas proviennent de Norvège.

     

    Synthèse des résultats

    Shaufeli (2017) classe les demandes en trois catégories (quantitatives, qualitatives et organisationnelles) et les ressources en quatre catégories (sociales, spécifiques au travail, organisationnelles et développementales).

    22 études détaillent ces demandes et 20 les ressources. Pour les demandes, la pression temporelle et de productivité apparaît souvent comme premier facteur. Pour les ressources, les notions explorées le plus souvent sont les conditions d’aide (aides de tous ordres, co-working social ou organisationnel - télétravail par exemple quand il est possible), de leadership (franchise, charisme, authenticité) et de contrôle (contrôle personnel, contrôle professionnel).

    La majorité des études recherche une association entre types de facteurs psycho-sociaux considérés et leurs traductions en matière de risques, sous forme d’attitudes dangereuses, de baisse d’engagement, de motivation. Cette relation est retrouvée dans 83 % des cas.

    Mais par contre, non seulement peu d’études décrivent le détail des conséquences (types de blessures, types de near miss), mais la moitié des études qui ont abordé ce sujet ne retrouvent même pas de lien direct entre facteurs psycho-sociaux et tel ou tel type précis de blessure ou de near miss. Le lien risques psycho-sociaux et sécurité est donc plus générique que direct de point à point.

    Il n’y a que 6 études qui montrent des actions positives sur la sécurité en regard d’états de pressions sociales diverses dans l’entreprise et des rapports à la hiérarchie (exerted psycho-social states). Les deux actions les plus positives dans ce domaine portent sur l’engagement des acteurs de terrain et la satisfaction au travail.

    Le niveau de stress chronique est un autre facteur fréquemment étudié pour ses conséquences sur la sécurité.

     

    Discussion 

    Les facteurs psycho-sociaux sont des précurseurs de conduites dangereuses. On retiendra particulièrement de cette revue de littérature l’origine finalement très restreinte des études, provenant de Chine et de Norvège, et du BTP et l’Oil and Gas pour l’essentiel, ce qui en interroge aussi la portée de généralisation tant le fait culturel peut être fort.

    On peut toutefois retenir la forte évidence d’un lien entre risques psycho-sociaux et augmentation des violations, ou pour le dire autrement, que l’attitude de suivi de règles dans une entreprise dépend fortement des facteurs psycho-sociaux à connotation négative tels que les politiques de pression au travail sur les objectifs et le temps, de réduction des effectifs, ou de réorganisations répétées liées souvent à des gestions de crises successives.

    Beaucoup d’études mentionnent aussi le rôle clé du leadership et de la politique de reconnaissance/remerciement (incluant celle de culture juste) dans l’émergence des conduites déviantes et non observantes.

    Les auteurs constatent aussi la pauvreté des connaissances actuelles sur l’effet de la digitalisation sur ces facteurs psycho-sociaux associés. Les travaux restent à faire sur ce domaine.